Skip to content

RSA : le gouvernement légifère sur du vent, comme lors de la réforme des retraites

Depuis deux semaines, l’examen du dernier projet de loi « Plein Emploi » bat son plein. Les enjeux sont majeurs : à la clef, une réforme du revenu de solidarité active (RSA) qui imposerait 15 à 20 heures d’activité obligatoire par semaine pour ses allocataires, au risque de nouvelles sanctions. L’efficacité des sanctions, promue par le gouvernement, nous interrogent : le sont-elles réellement ? Qu’est-ce qui prouve leur efficacité ? Après tout, nous connaissons l’avis des économistes sur le lien établi entre démultiplication des sanctions et augmentation du non-recours. À de multiples reprises, nous avons interrogé le ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. Sans réponse, nous avons décidé d’enquêter par nous-mêmes une nouvelle fois, comme face à nos doutes sur les retraites à 1200 euros.

 

Le vendredi 22 septembre, avec mon collègue Arthur Delaporte, je suis allé à la source, en tant que vice-président de la MECSS, auprès du directeur de la CNAF afin d’obtenir des données sur les sanctions. Le lundi 25, nous avons obtenu réponse. Le fichier nous interpelle et révèle la dangerosité de la nouvelle réforme.

 

La note envoyée par la CNAF témoigne de l’impréparation totale de notre gouvernement sur les sanctions prévues par la réforme. Nous avons rendu public cette note, relayée par la presse dans des journaux comme Le Monde et Libération.

 

Nous souhaitions obtenir la documentation soutenant l’efficacité des sanctions contre les allocataires du RSA. Or la caisse a répondu que : « Le sujet ne faisait pas l’objet jusqu’ici d’un travail de recherche dans nos bases, ni d’une analyse, ce qui explique que nous n’ayons pas de document immédiatement diffusable sur le sujet ». Quant aux demandes d’informations complémentaires portant sur les données départementalisées, la CNAF réitère son absence d’éléments statistiques : « Nous n’avons pas pu, dans cette étude exploratoire et compte tenu des limites méthodologiques qui y sont exposées, produire des données départementales sur les sanctions.»

 

Sans « suivi statistique sur le sujet », comment proposer une réforme honnête et rigoureuse ? Le gouvernement légifère donc sur du vent, comme lors de la réforme des retraites.

 

Pire encore, la note de la CNAF nous instruit sur des postulats erronés de la réforme. Nous pouvons en dénombrer trois :

 Tout d’abord, le non-respect des obligations relatives au contrat d’engagement est très marginal. 98% des allocataires du RSA en juin 2022 sont respectueux des obligations. C’est au gouvernement de dédiaboliser la figure de l’allocataire du RSA.

En outre, comme le précise la note : « La sanction semble donc avoir un impact sur le droit au RSA à moyen terme. Il entraîne fréquemment une sortie du droit, puisque pour près de la moitié des cas, aucun calcul de droit n’est réalisé en juin 2023. » Cette donnée est très inquiétante au regard des intentions du gouvernement. Plutôt qu’inciter à la réinsertion, les sanctions « suspensions-mobilisations » excluent les bénéficiaires du RSA, les amenant sur des trajectoires d’extrême précarité.

Enfin, la CNAF documente le montant des sanctions pour les personnes sanctionnées, qui sont en réalité particulièrement lourdes en proportion des revenus de celles et ceux concernées : « pour les personnes sanctionnées qui vivent dans un foyer allocataire bénéficiaire d’un droit versable au RSA, le montant de sanction appliqué s’élève en moyenne à 257€. Il dépasse 300 euros dans 47% des situations. »

 

Ainsi, les sanctions stigmatisent, augmentent le non-recours et produisent de l’extrême pauvreté. De notre investigation nous retenons l’absence d’impact positif des sanctions existantes, et l’importance de rétablir cette vérité. Avec mes collègues, nous poursuivrons sans relâche ce combat face au gouvernement.